http://blogs.wefrag.com/casper/2010/11/
Archive pour novembre 2010
Interview Mike Pondsmith (Cyberpunk 2020, Castle Falkenstein)
Vendredi 19 novembre 2010
Un ami aux USA a eu l’honneur d’interviewer Mike Pondsmith lors de la Gamestorm se déroulant du 25 au 28 mars 2010. Cette interview a été effectué bénévolement pour le magasine JDR-Mag et a été publié dans le numéro d’octobre 2010. Deux problèmes, le délai de publication (7 mois tout de même) et surtout les rédacteurs de JDR-Mag ont oublié de mentionner l’auteur de l’interview à la fin de celle-ci, sympa ! Donc la voici dans son intégralité.
L’interview est également disponible en anglais mais uniquement sous forme audio.
Le professionnel
Est-ce que vous pensez que Cyberpunk est un succès ? Et pourquoi ?
Oui c’est un succès, car il y a peu de jeu de rôle qui ont survécu pendant plus de 20 ans et qui ont été traduits dans plus de neuf langues. La preuve en est que dans ma carrière avec les jeux électroniques, je rencontre souvent des gens beaucoup plus jeunes qui jouent encore à Cyberpunk. Ça ne me rajeunit pas !
Pensez-vous que le genre artistique Cyberpunk est en train de mourir ?
Cela dépend. Si l’on considère l’aspect socio-politique, je pense que le Cyberpunk est encore d’actualité, mais pas la technologie. Je cite pour exemple : les armées corporatistes (Blackwater), l’acquisition d’une entreprise par une autre, un gouvernement américain dysfonctionnel, et j’en passe. Je me rappelle, alors que je travaillais sur la troisième édition, j’imaginais une attaque utilisant un avion percutant un immeuble… Je pense que Cyberpunk est désormais entré dans le conscient public. Par exemple, lorsque Blade Runner est sorti (c’est bien évidemment une de mes aspirations pour Cyberpunk), c’était très avant-garde. Maintenant, ce genre de futurs (dystopie) est accepté.
Sur quoi travaillez-vous ces jours-ci ?
Je suis en train de travailler sur une nouvelle édition de Cyberpunk ces jours-ci, c’est ce que j’appelle la version 2020.2 !
Comment Cyberpunk 3 a-t-il été accueilli par les fans ?
C’était très contrasté. Nous avons attiré beaucoup de nouveaux joueurs avec cette édition, mais certains anciens fans ont eu du mal à accepter le fait que nous avons essayé de mettre à jour la technologie et le système de règles. Il est logique d’avoir mis à jour la technologie pour 3.x, mais d’un autre côté il est vrai que celle un peu rétro de Cyberpunk 2020 est plus cool. Donc j’aurais préféré un accueil plus unanime, mais globalement il a été bien reçu.
Va–t-il y avoir un Cyberpunk 4 ? Si oui comment le voyez-vous ?
Oui et voici pourquoi : mon fils à 16 ans désormais, et il a déjà décidé qu’il allait devenir un créateur de jeux. Je pense qu’il sera d’ailleurs très bon à ça d’ailleurs. Lorsqu’il a découvert Cyberpunk, il m’a dit que ce qu’il aimait vraiment avec la version 2020, c’est tout le côté rétro : les téléphones cellulaires énormes, les cybermembres bien visibles en métal, etc. il m’a donc conseillé de revisiter tout cela, en gardant le style mais en combinant des types modernes de Cyberpunk (plus inspirés par les animations japonaises), et un style plus classique de Cyberpunk, à la Blade Runner. Donc avec la nouvelle édition 2020.2 je vais essayer de tout mettre à jour, avec de nouvelles illustrations et de nouveaux commentaires.
Avez-vous une date de parution pour Cyberpunk 2020.2 ?
Difficile à dire, car j’enseigne désormais à l’université. Cela me permet d’avoir pas mal de temps pendant l’été et j’en profite pour écrire. L’écriture de 2020.2 est en fait finie, et en ce moment j’attends les illustrations. J’aimerais que ce soit fini pour le présenter à GenCon (NdT : en août prochain). Il y aura également un supplément qui va relier les événements de l’ancienne édition à la nouvelle. Ce supplément s’appellera “Aftershock” et il est déjà écrit.
Quel système de jeu utilisera 2020.2 ?
Il utilisera le système Fuzion. Je pense que ce système a été mal compris de par le passé. Fuzion est en fait le système Interlock avec quelques modifications qui règlent de gros problèmes. Quand j’ai écrit Interlock, je voulais créer un système cinématique et je me suis rendu compte par la suite de certains problèmes d’équilibrage. C’est ce qui m’a amené à créer Fuzion. Malheureusement beaucoup de gens n’ont pas compris ça. Il y a trop de joueur qui exploitent les lacunes du système Interlock, comme par exemple tout mettre en Réflexe. Dans la nouvelle version, je fais très attention à ce que tous les anciens suppléments soient toujours compatibles.
Va-t-il y a avoir des développements dans la gamme Falkenstein ?
Ce que nous préparons c’est une adaptation de Castle Falkenstein pour le grandeur nature. Falkenstein se prête en effet très bien à ce mode de jeu. Cela fait plusieurs années que je présente des sessions grandeur nature de Castle Falkenstein aux conventions, et avec cette expérience nous avons pu simplifier énormément la façon de jouer et d’enseigner aux joueurs comment le jouer. Nous nous sommes rendu comptes que le mouvement Steampunk s’est énormément développé depuis les débuts de Castle Falkenstein, surtout dans la région Pacifique nord-ouest des États-Unis. À l’origine nous avons dû beaucoup expliquer ce qu’était le Steampunk. Maintenant que le genre est plus connu, nous pouvons passer plus de temps sur d’autres aspects du jeu. Il y a quelques années il était très difficile de se confectionner un costume Steampunk, c’est désormais très facile. L’année dernière nous avions du donner un cours avant le grandeur nature à cette convention pour expliquer comment s’habiller à la mode pseudo victorienne ; maintenant ce sont les joueurs qui peuvent nous donner des cours !
Beaucoup de produits Talsorian sont centré sur les Manga et les Japanimations. Pourquoi ?
Tout simplement parce que je suis un fan de japanimations depuis l’époque de Mobile Suit Gundam. En fait j’ai créé Talsorian originellement pour pouvoir adapter les mangas aux jeux de rôles. À l’époque, je ne parlais pas japonais du tout et je ne comprenais pas la plupart des mangas. Mais je savais que je voulais faire un jeu de rôle avec des combats de robots géants, c’est-à-dire simuler et automatiser les combats d’Anime. Quand nous avons écrit Mekton et Teenage from Outer Space, les japanimations étaient assez inconnues. Nous publions alors également un magazine sur les mangas, nommé Anime et c’était le seul aux États-Unis. À l’époque c’était un passe-temps assez étrange pour le grand public, est aujourd’hui mon fils de 16 ans connaît plus de Japonais que j’en apprendrai jamais grâce à cet art. Créer ces jeux de rôles était assez profitable car nous étions les seuls à exploiter ce thème à l’époque.
Êtes-vous pleinement satisfait de votre production ?
Non, on n’est jamais complètement satisfait. Le bon côté c’est que je “réinvente” Cyberpunk maintenant. Je fais également quelque chose de similaire avec Mekton. C’est un projet appelé Mekton Zéro, ou nous mettons l’emphase sur Algol et le développons beaucoup plus. Mekton Zéro va retracer l’évolution d’Algol avant le jeu original. Comme tout le monde connaît les japanimations maintenant, nous pouvons nous focaliser sur le monde. Nous avons fait des sondages parmi la communauté des joueurs de Mekton, et nous avons été surpris de voir que beaucoup de joueurs connaissent bien Algol et veulent en savoir plus sur cet univers. C’est pour ça que nous avons orienté le développement dans cette direction.
Quel est votre meilleur projet ?
Pour moi, ce serait Mekton et Castle Falkenstein. En effet j’aime beaucoup Cyberpunk mais je ne pourrais pas vivre dans cet univers ; alors que je pourrais vivre dans Algol sans problème (en effet, j’y ai mis tout ce que j’aimerais voir dans un monde). Pour Falkenstein, j’aime surtout son imaginaire.
Et celui qui vous a déçu ?
Ce serait dans Cyberpunk : je n’ai pas pu vraiment pu faire ce que je voulais originellement avec la technologie. Je ne pense pas avoir vraiment capturé dans ce jeu ce que j’avais en tête pour l’État du monde non plus. C’est une des raisons pour lesquelles je le réécris.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Ces jours-ci, je m’inspire pas mal du Discovery Channel (NdT : chaine de télévision éducative). J’ai récemment vu le film Avatar, et ce qui était intéressant dans ce film ce n’était pas l’histoire, mais la création complète d’un monde avec autant de détail. C’était presque aussi complet qu’un documentaire sur un sujet réel. Je m’inspire aussi beaucoup des japanimations récentes.
Que pensez-vous de l’évolution du Jdr ?
Je ne pense pas qu’il ait évolué tant que ça. Le problème en est que nous sommes encore trop centrés sur le système de jeu. C’est par exemple le problème avec la quatrième édition de Donjons et Dragons. Lorsque j’ai essayé ce jeu, je me suis rendu très vite compte que les mécaniques de jeu essayaient de reproduire celles de jeux électroniques comme World of Warcraft. Et cela ne peut pas marcher dans un jeu de rôle sur table. Pourquoi ? Parce que ce genre de mécanique ne fonctionne dans les jeux électroniques que parce que cela se fait de façon invisible et transparente. Dès que ce genre de mécanique devient apparente, elle cesse de fonctionner.
Par contre je vois une recrudescence de jeux de rôle qui se jouent via Facebook, des forums, des courriels, via Skype, etc. En général ils utilisent des systèmes de jeu de rôle déjà existant, souvent parmi les plus simples. Notre nouvelle version de Mekton Zéro est créé de façon à pouvoir être joué (mêmes les combats) par messages-texte sur téléphone cellulaire. J’ai testé ça avec des joueurs et ça a bien marché. Et si l’on considère l’engouement des jeunes pour les messages texte sur téléphone, on voit que ce genre de jeu de rôle a des chances de les intéresser.
Et quel est son avenir ?
Comme expliqué ci-dessus, je pense que les jeux de rôles vont devoir exploiter les nouvelles technologies. Nous devons réaliser qu’il y a désormais d’autres façons de communiquer et de transférer l’information.